Malgré un système « dérégulé », le chiffre d’affaires de l’officine continue de progresser, constate David Syr, directeur général du GERS Data, lors d’une rencontre organisée par EG Labo jeudi 4 décembre. Le chiffre d’affaires passe en effet de 35,8 milliards d’euros en 2020 pour l’ensemble du réseau à 47,8 milliards d’euros en 2025, soit + 29 % en 5 ans. En parallèle, il y a de moins en moins d’officines : de 21 914 en 2014, un nouveau record est franchi en 2025 avec moins de 19 500 pharmacies. Toujours selon le GERS Data, cette perte d’officines va se poursuivre pour se stabiliser autour de 17 000 à horizon 2035. Quant au chiffre d’affaires moyen, qui tournait autour de 1,6 à 1,8 milliard d’euros par officine entre 2014 et 2019, il devrait atteindre 2,5 milliards d’euros en 2025 (+ 3,9 % entre 2014 et 2025). « Pour autant la marge ne suit pas », explique David Syr.
La dynamique de l’officine est aussi en train de changer. Le médicament de prescription obligatoire reste le premier contributeur au chiffre d’affaires, mais son poids diminue à 56,3 % en 2025, quand il était de 75 % en 2024. Le second contributeur est le vaccin, avec 31,5 % du chiffre d’affaires en 2025. La troisième place revient à la beauté (7,95 %). « Cela montre que la pharmacie est un lieu de prise en charge de la santé au sens le plus complet possible », démontre David Syr. La pharmacie reste le premier lieu d'achat pour la santé.
Alors quels sont les leviers à mieux gérer son entreprise ?
Miser sur les biosimilaires
« Le sujet, ce n'est pas uniquement de la marge, c'est plutôt le sujet de la trésorerie », indique David Syr, qui explique, un brin taquin : « La pharmacie a un syndrome : elle est considérée comme une cave à vin. Vous gardez les produits en considérant que ça va prendre de la valeur, mais il n’y a aucun intérêt de les stocker. »
L’enjeu, c’est aussi améliorer la substitution. « Le générique représente un tiers de la marge officinale », selon Tiago Bartolomeu, directeur général d’EG Labo. Pour le biosimilaire, c’est 3 %, mais il est appelé à prendre plus de place quand le générique est sous pression : baisses de prix, baisse du plafond des remises… Il devrait passer à 29 % de la marge en 2026-2027, « avec une baisse de prix de 4 % qui nous incombe à tous, poursuit le DG d’EG Labo. Mais pour les biomédicaments, on va avoir une année 2026 intéressante car il y aura de nouveaux biosimilaires sur le marché, mais aussi parce que la substitution s’accélère. » EG Labo a déjà 6 biosimilaires sur le marché, mais « le générique restera un pilier », assure le Tiago Bartolomeu.
« Pour autant, la distribution n’a pas la même nature. 1 % des pharmacies dispensent 10 % du marché du Lucentis. Ce sont des marchés beaucoup, beaucoup plus concentrés que ce qu'on a sur le générique », constate David Syr.
Il reste aussi des taux de substitution à aller chercher, y compris pour les médicaments génériques dont le taux de pénétration est au-dessus de 85 %. Un enjeu « quasiment vital », pour le GERS Data.
Et si l’enjeu était l’inobservance ?
Dans les leviers de croissance, il y a le conseil, qui reste fragile (+ 2,7 % de chiffre d’affaires entre 2024 et 2025, essentiellement porté par l’inflation), mais aussi les missions. « Répondre à la demande, c’est bien. Mais structurer l’offre, c’est aller plus loin », souligne David Syr. Même si les pharmaciens n’ont pas forcément l’envie de réaliser toutes ces missions, de plus en plus nombreuses, « c'est une question de nécessité pour conserver son monopole », constate le directeur du GERS Data.
Autre élément intéressant : « Trois quarts des flux en officines sont portés par des pathologies aiguës, mais les deux tiers du chiffre d'affaires du réseau officinal sont portés par le chronique », souligne David Syr. Le but est de mieux prendre en charge le patient atteint de pathologie chronique. L’inobservance pourrait donc être un levier de croissance important : par exemple, sur la totalité des Français qui ont une pathologie respiratoire, 31 % des Parisiens arrêtent le traitement au bout de 12 mois, 38 % des patients du Sud-Est et 22 % des patients de Normandie. « Combien de patients asthmatiques considèrent qu’ils ne sont plus asthmatiques parce qu'ils n’ont plus eu de crises et donc arrêtent le traitement ?, considère le président du GERS Data. Il y a là, effectivement, une cascade de coûts pour la collectivité. Parce qu'il y a adhésion au traitement, il y aura une économie pour la Sécurité sociale. L'enjeu, c'est comment le réseau officinal peut-il être encore plus fort sur ce levier. » Sans compter les résultats sur les autres pathologies chroniques.
Le poids des ruptures
La gestion des pénuries est aussi un enjeu important pour l’économie de l’officine. En 2024, le nombre de ruptures était stable, mais en 2025, « ça ne tient absolument plus », constate David Syr. En 2026, la tendance ne devrait pas s’inverser. « Je n'ai pas entendu de signaux encourageants et toutes les discussions du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ne permettent pas de rassurer sur le fait qu'on aura des médicaments », indique le président du GERS Data.
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